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DU REGARD EN ÉQUITATION

RENDRE LA MAIN INTELLIGENTE

Il semble admis par certains chercheurs que la libération de la main a permis à l'homme de développer son intelligence et le langage, la main ayant remplacé la bouche de l'homme comme outil de préhension. L'homme est donc par nature un manuel (ce qui le différencie de la plupart des animaux). Il a la possibilité d'utiliser sa main comme outil de préhension dans bon nombre d'actions de la vie quotidienne. Une des fonctions de cet outil est de permettre à l'homme de compenser tout les problèmes d'équilibre défectueux qu'il peut rencontrer ; se raccrocher avec la main est une fonction réflexe qui disparaît progressivement au fur et à mesure que l'humain arrive à maîtriser son équilibre.

Il en est de même dans le domaine de l'équitation, avec une différence : chez le cavalier, comme chez le cheval, les mauvaises habitudes sont très vite acquises (comme les bonnes!) mais particulièrement difficiles à faire disparaître. La main est un organe particulièrement important chez le cavalier : c'est un des outils du dialogue avec le cheval, une aide qui permet de percevoir les messages qu'envoie le cheval. C’est par la main que le cavalier va inviter le cheval à se placer dans tel ou tel équilibre requis par la gymnastique proposée. Incitation à prendre un pli, invite à décontracter la mâchoire, à céder dans la nuque, mise sur la main, mis en main sont autant d'invites de la main et d'indications pour le cheval.

Nous voyons bien là que la main a un rôle important dans le comportement du cheval sous la selle. Pour que le cheval puisse être décontracté, il faut que la main ne soit pas une gêne, mais un réceptacle de messages et qu'elle soit en dialogue permanent avec le cheval… En un mot, il faut que la main devienne INTELLIGENTE (elle a permis à l'homme de développer son intelligence, elle doit permettre au cheval de se fondre avec son cavalier).
Il faut donc ,dès le débuts de l'initiation à cheval ,former le cavalier à ce qu'il ne considère pas ses mains comme un moyen de conserver son équilibre, mais comme un outil de dialogue.

Cela passe obligatoirement par des exercices de mise en selle, exercices que l'on ne pratique plus que peu actuellement. Non pas, comme on l'énonce bien souvent, parce que les élèves ne veulent pas en entendre parler, mais parce que les séances de mise en selle positives demandent une connaissance du corps humain et de la gymnastique corrective, à laquelle les enseignants ne sont pas formés.

Avant que d'apprendre au cavalier à tenir ses rênes, il faut apprendre au cavalier à acquérir un début d'équilibre à cheval. Nous n'en parlerons pas dans cet article, mais rappellerons toute l'importance pour le cavalier qu'il y a à avoir une position qui lui permette d'acquérir équilibre, liant, tact, fixité, indispensables à une saine relation avec le cheval.

Nous nous focaliserons uniquement sur l'attitude du haut du corps. Celui ci doit être grandi et soutenu (le cavalier doit être fier sur son cheval !), les épaules dégagées (pour permettre une respiration ample indispensable à tout travail physique), bras tombant naturellement le long du buste (signe de décontraction), coudes plus ou moins sur les hanches (ce qui offre un point d'appui à l'avant bras et participe de la fixité de la main), avant bras remontés plus ou moins à l'horizontale, donnant l'impression d'être posés sur un ventre proéminent, poignets arrondis, l’écartement des mains résultant de la plus grande décontraction autorisée. Pour pouvoir arriver à cette position, il faut que la main ne participe aucunement au maintien de l'équilibre du cavalier à cheval. Il faudra donc très vite demander au cavaliers des exercices qui l'invitent à utiliser sa main.

LE MANIEMENT ET LA TENUE DES RENES

Le premier de ces exercices, qui correspond à la première fonction de la main, est de tenir les rênes, mais en conservant à la main toute sa liberté d'action.

Parallèlement aux exercices de "mise en équilibre" de l'élève, et au début uniquement au pas, on fera faire des exercices de tenue et de maniement de rênes (ces exercices peuvent avec un grand bénéfice être travaillés dans un premier temps à pied, ce qui autorisera une progression plus rapide un fois à cheval !).

Il faut apprendre au cavalier à POSER la rêne, non pas dans le creux de la paume mais sur les phalanges, à la TENIR comme s'il avait dans la main une éponge gorgée d'eau et qu'il ne veuille pas en perdre une goutte. Il devra faire passer la rêne sous le petit doigt et la faire sortir entre le pouce et l'index mais aussi apprendre à tenir la rêne entre le petit doigt et l'annulaire, ainsi qu'à la tenir entre le pouce et l'index pour la faire "sortir" sous le petit doigt (car il aura l'occasion de tenir ainsi ses rênes quand il travaillera en bride à la française). À partir de là, on apprendra au cavalier à manier ses rênes, en lui faisant travailler le raccourcissement et l'allongement d'une rêne puis de l'autre.

Imaginons que le cavalier tienne sa rêne gauche dans la main gauche ; il faut alors raccourcir en prenant le flot de la rêne gauche dans la main droite, entre le pouce et l'index, du bout des doigts, au-dessus de la main gauche et "tirer" la rêne vers le haut pour la raccourcir. Pour rallonger cette même rêne, la main droite prendra la rêne gauche sous le petit doigt de la main gauche entre le pouce et l'index et la "tirera" vers le bas.

Dans un deuxième temps, quand les bras seront devenus un peu plus sensibles, légers et décontractés ; on travaillera le raccourcissement des rênes jusqu'au sentiment de la bouche du cheval dans la main du cavalier. On travaillera aussi la tenue des deux rênes dans une main et le passage des rênes d'une main dans l'autre. Ces exercices de maniement de rênes ont un double but : garder les bras mobiles et ne pas figer les doigts sur les rênes, premières conditions que doit remplir une main qui se veut intelligente.

Lorsque le cavalier atteindra un niveau supérieur, il devra travailler les mêmes exercices avec les quatre rênes.
Il est bien évident que, pour assurer une progression logique, ces exercices seront d'abord travaillés à l'arrêt puis au pas et, au fur et à mesure que l'équilibre du cavalier deviendra meilleur, seront abordés au trot et au galop et dans toutes les positions possibles (assis, enlevé, suspension, debout sur les étriers...)

Tant que ces maniements de rênes ne seront pas exécutés avec aisance, l’éducation de la main ne sera pas possible et ses actions seront un frein à la juste éducation du cheval. Une fois le geste correctement acquis (ce qui, rappelons le, passe conjointement par une position et un équilibre correct), il sera possible d'expliquer au cavalier comment se servir de ses mains en fonction du résultat attendu.

Le cavalier doit être conscient que l'action de la main se fera au travers du jeu des doigts sur les rênes et des mouvements des épaules et du buste, les bras restant décontractés et les articulations souples. Jouer des doigts sur les rênes, c'est ressembler à un pianiste qui effleure les touches du clavier de son piano. Et ce jeu des doigts commence par le majeur (le pouce et l'index sont là pour "fixer" la longueur des rênes) pour finir par celui du petit doigt qui a la course la plus longue, donc l'action la plus grande.

On dit souvent que la main doit accompagner le jeu de l'encolure. Cela est exact et nécessaire à des allures décontractées et amples. Il est bon de préciser que ce résultat sera obtenu par des bras en place et grâce au jeu du bassin. Et nullement, comme on le propose souvent, par un jeu du coude et des épaules qui, très vite et très souvent , conduit la main à ne plus être en accord avec la tête du cheval.

LE MORS

Quelques mots rapides sur la position du mors, en précisant que, lorsque l'on utilise une ennasure, les actions se feront sur le chanfrein, mais selon le même processus d'action de la main et des doigts sur les rênes.

Le mors peut agir en deux endroits, en fonction de l'orientation donnée à la rêne :

1/ soit sur les barres, si la rêne agit bers le bas et l'arrière. Sachant que la barre est une zone très sensible (peau fortement innervée en contact avec l'os de la mâchoire, surface dure), il semble évident que tout appui du mors sur la barre sera source de douleur.

2/ soit au contact de la commissure des lèvres, zone beaucoup plus souple, donc point d'action privilégié du mors.
Pour ce faire, à compter du moment où la main veut agir, il faut d'abord qu'elle s'élève légèrement. Cette élévation résulte d'un redressement du buste (il est important de noter que la main ne doit être considérée que comme le prolongement de l'épaule du cavalier, tout mouvement de la main partant donc de l'épaule du cavalier) et, éventuellement, d'une fermeture du coude, selon la hauteur à laquelle on désire placer la main.
Rappelons un conseil de Jean D'Orgeix: la main doit pourvoir bouger en toutes occasions et ne se fixer qu'au moment d'agir, le temps d'agir.

LE DIALOGUE

La main dialogue avec le cheval dans trois circonstances :

- pour régler l'allure et gérer le mouvement en avant ;

- pour indiquer la direction ;

- pour orienter l'attitude du bout de devant.

A/ Réglage des allures

La main a pour rôle de canaliser l'impulsion. Elle intervient soit pour une transition descendante entre les allures, soit pour un ralentissement dans l'allure (ralentissement étant entendu comme une modification de l'amplitude de la défoulée dans le maintien de la cadence).

Le résultat escompté étant différent, il est évident que la façon d'agir avec la main sera différente ; et que cela va de pair avec une action complémentaire des autres aides que sont poids du corps et jambes (et la voix dans le cas de l'éducation d'un jeune cheval).

Transition descendante

Pour passer à l'allure inférieure, après avoir soutenu ses mains légèrement pour amener le mors au contact de la commissure des lèvres (mais toujours au-dessus de la bouche du cheval !), le cavalier ferme ses doigts sur les deux rênes (mains rigoureusement fixes par rapport au buste du cavalier) de façon discontinue (comme si il voulait retirer quelques gouttes d'eau de l'éponge qu'il tient dans la main) par le jeu des phalanges.

Dès que le passage à l'allure inférieure est obtenu, ou mieux encore compris par le cheval et senti par le cavalier (il faut savoir être à l'écoute des postérieurs de sa monture !), le cavalier cesse toute demande. Il cède dans sa main (il cesse d'agir) sous peine, s'il prolongeait son action au delà du suffisant, de provoquer une résistance du cheval qui s'éteindrait et deviendrait lourd et sourd aux demandes de son cavalier.

Pour obtenir le passage à l'allure inférieure lorsque le cheval est incurvé, on sera amené à être un peu plus exigeant avec la rêne extérieure qui a pour fonction de régler l'allure, la rêne intérieure étant rêne de pli. Sur le cercle, lorsque le cheval est correctement incurvé, le contact sur la rêne extérieure est un peu plus marqué du fait de l'allongement plus important de masses musculaires extérieures.

Comme nous avons vu plus haut que la main commençait à l'épaule, cette action des doigts s'accompagne d'un recul léger des épaules et d'une demande du poids du corps qui deviendra progressivement l'aide dominante, la main devenant "accessoire" (ce qui limitera les éventuelles défenses à la main).

Transition descendante dans l'allure

Pour demander un ralentissement dans l'allure, le cavalier utilisera le même processus, mais en agissant de manière discontinue et alternative avec ses doigts, idéalement en cadence avec le poser de l'antérieur correspondant.

B/ La direction

Contrairement à une idée bien ancrée, les rênes ne doivent pas servir à faire tourner le cheval, mais juste à indiquer une direction. Et ce, en application du principe : "la position précède l'action" (on met le cheval dans l'équilibre et dans l'attitude du mouvement à exécuter, puis on demande le mouvement, généralement par une action de jambes, tout du moins pour ce qui nous concerne ici).

Le principe est de prendre le contact sur la rêne du côté où on veut faire tourner le cheval (car, dans tous ces exercices, on commence par travailler sur des rênes longues que l'on ajuste comme vu précédemment lorsque l'on veut agir avec ses doigts et qui se rallongent dès que la main redevient silencieuse). C'est une raison de plus pour ne pas négliger les exercices de maniement de rênes vus plus avant.

Prenons l'exemple d'un tourner vers la droite.

Le cavalier commence par ajuster sa rêne droite, jusqu'à sentir le contact avec la bouche du cheval, sans toucher à sa rêne gauche (bien plus tard, quand cavalier et cheval seront mieux éduqués, que le cheval acceptera de tendre ses rênes, le pli sera demandé par un allongement perceptible de la rêne extérieure). Puis il ferme les doigts en cadence avec le poser de l'antérieur droit: cette action "ralentit" l'antérieur et aide au tourner. Dès que, à la demande de la jambe et du pivotement du buste dans la direction à prendre, le cheval entame son changement de direction, les doigts cessent d'agir, sauf à demander un changement de direction plus serré.

Lorsque le cavalier sait correctement utiliser une main pour le changement de direction et que le travail sur le "huit de chiffre", en passant d'une rêne sur l'autres, est aisé, on peut commencer à enseigner à l'élève la régulation de l'action d'une main par la mise en jeu de l'autre rêne.

C/ Orientation du bout de devant

Nous venons de voir que la main peut orienter latéralement l'avant main pour indiquer un changement de direction. De la même manière, la main peut agir poutre moduler l'attitude du bout de devant dans un plan vertical en participant au passage d'un équilibre sur les épaules vers un équilibre horizontal, puis vers un équilibre sur les hanches.

Décontraction de la mâchoire, cession de nuque, mise sur la main, mise en main, élévation de l'encolure... sont autant d'invites de la main. Mais ceci fait partie de l'éducation du cheval et non plus de celle du cavalier... et ne sera donc pas abordé ici.

 

Yves KATZ